Isis rédigeait son devoir, les yeux fixes. Non, ça n’allait pas. Elle se mit à rayer plusieurs lignes pour finir par froisser sa feuille en soupirant. Elle n’y arrivait décidemment pas. La raison était simple : l’esprit de la Cayrel était préoccupé. Préoccupé par la lettre qu’elle avait reçue la veille. Pourquoi ? Car avec elle avait apprit ses fiançailles. Oui, ses fiançailles, rien que ça ! Elle savait sa famille très à cheval sur les traditions, mais ne pensait pas qu’ils iraient jusqu’à lui choisir pour elle un garçon. Enfin son futur mari. C’était incroyable lorsqu’elle y pensait. A croire qu’on était encore dans les temps moyenâgeux où la fille n’avait pas son mot à dire. Car elle ne l’avait pas, son mot à dire. Excédé par les écarts de la jumelle, ses parents avaient décidé d’accélérer les choses. L’heure de faire honneur à la famille. Bonne situation. Des mots assez vides de sens pour elle. Pourquoi n’aurait-elle pas le choix de choisir celui avec qui elle passerait le restant de ses jours ? Elle laissa son regard dérivé dans la bibliothèque quasiment vide, songeant à tout ce qu’impliquait cet évènement. Sa première réaction avait été assez violente. Pleurs, insultes et envies de tout envoyer balader. Elle s’était ensuite calmée pour y réfléchir un peu plus sérieusement et envisager la chose sous un angle radicalement différent. Ses parents semblaient très attachés à ce qu’elle se mette à fréquenter cet Aiden. Ils étaient même fiers que les deux familles Cayrel et Campbell s’unissent par un mariage. Deux noms prestigieux unis par le sang. Une alliance des plus profitables aux deux partis. Etait-ce donc le déclic que la blonde cherchait tant pour pouvoir renouer avec ses proches ? Ses écarts lui seraient-ils pardonnés ? Alors que son projet qui visait à intégrer une école aux Etats-Unis s’annonçait plus durs que prévus, se marier apparaissait comme un bon moyen d’acquérir son indépendance vis-à-vis de ses parents. Et puis quoi, il était hors de question de devenir bo-bonne et attendre son mari au coin du feu, le dîner prêt sur la table. Isis avait d’autres espoirs, d’autres rêves et ce n’est pas un quelconque mâle qui l’en empêchera. Reste à savoir comment Aiden prenait la chose car elle le savait amoureux d’une autre. Les bruits de couloirs sa aident quelques fois… Elle sursauta lorsqu’elle aperçut l’heure affichée sur l’horloge. Son cours de DFCB ! Elle rassembla ses affaires à la va-vite et sprinta vers la salle. Ouf, elle arrivait juste à temps. Elle passa le seuil de la porte et se mit à une table à côté d’une Serdaigle de sa connaissance. Elle sortie sa plume, son livre et un parchemin et écouta les instructions de la prof. « Bien, vous allez avoir un exposé à faire par deux. » La bleue à côté de la Gryffondor lui fit un petit sourire auquel elle répondit. « Ne vous réjouissez pas si vite, ce sera moi qui imposera les binômes alors oubliez vite ces sourires. » Par Merlin ! Elle espérait ne pas tomber sur un ramollo du cerveau ! Après tout, Isis était une bonne élève, voir sa note baisser à cause d’un tiers la contrarierait. « Aidan Campbell avec Isis Cayrel. » Le cœur de la blonde manqua un battement. Campbell ? Aiden ? Le hasard devait avoir un drôle sens de l’humeur… Le jeune homme prit la place de la Serdaigle qui rejoignit une autre fille et s’installa. « Je vais être franc avec toi, je suis contre ces fiançailles. Je ne serai jamais amoureux de toi, ni maintenant, ni jamais. Déjà que je ne peux pas supporter ta sœur, je ne peux pas supporter son portrait craché. Je ne serai ni gentil, ni courtois avec toi, et vu que je suis obligé de faire un exposé avec toi, je le ferai mais aucune amitié naissante, aucun secret à partager, je ne veux même pas que tu ouvres ta bouche pour me parler de choses qui n'ont rien avoir avec l'exposé, c'est compris ? » Isis ouvrit de grands yeux en le dévisageant. Pardon ? Avait-elle bien entendu ? Mais pour qui se prenait-il ? Au moins elle savait à quoi s’attendre avec cet énergumène. Elle choisit cependant de ravaler la colère qui pointait le bout de son nez et prit note des instructions du devoir. Cette note sera très importante, veuillez à bien travailler, et vous devrez présenter cet exposé à toute la classe, c'est compris ? » Le présenter ? Alors que le blonde allait ouvrir la bouche, son camarade reprit la parole : « Il vaut mieux qu'on partage le travail en deux, tu fais une partie, je fais l'autre comme ça, on aura pas besoin de se parler. Ah, j'allais oublier, je compte faire tout mon possible pour annuler nos fiançailles, et je me fiche royalement de ton avis sur la question. » Bim, prends-toi ça Isis. C’était tellement injuste ! Elle n’avait rien demandé alors pourquoi s’acharnait-il comme ça contre elle ? Cette dernière sentit le rouge lui monter aux joues, se sentant particulièrement humiliée. « Je parlerais si j’en ai envie Campbell. Je ne suis pas une Elfe de Maison ! Je suis une Cayrel ! ». Le ton impérieux qu’elle venait d’emprunter lui parut étranger dans sa propre bouche. Ce n’était pas vraiment elle. « Excuse-moi… Mais pour ton info, je n’ai rien demandé ». Chuchota-t-elle pour que la professeur ne les remarques pas. « Si tu penses pouvoir faire fléchir nos vieux, ne te gêne pas, parce que si tu crois que ça m’amuse d’avoir un amoureux transi pour fiancé… Si tu avais été un peu courageux tu n’en serais peut-être pas là alors ne fait pas comme si tout est de ma faute... Ou alors assume tes choix ». Et toc! Elle était au courant de son béguin pour Ashara. En même temps ce n’était pas un secret de polichinelle. Un point se devait d’être éclairci sachant la réputation du garçon. Isis attrapa le poignet du jeune homme pour qu’il comprenne bien l’importance de ce qu’elle s’apprêtait à lui dire. « Par contre, si ça s’officialise il est hors de question que tu continues à courir toutes les filles que tu croises. Pour toi c’est peut-être valorisant, mais pour une fille c’est extrêmement dégradant. Sois sûre que je saurais te faire payer tes écarts, compris ? Ne crois pas que c'est un jeux pour moi ! ». Au moins c’était clair. Qu’il ne croie pas qu’il ait à faire à une petite bécasse, il serait déçu. Isis le relâcha et commença à écrire sur son parchemin.

« Par contre, si ça s’officialise il est hors de question que tu continues à courir toutes les filles que tu croises. Pour toi c’est peut-être valorisant, mais pour une fille c’est extrêmement dégradant. Sois sûre que je saurais te faire payer tes écarts, compris ? Ne crois pas que c'est un jeux pour moi ! » Le ricanement qui suivit déplut fortement à la Cayrel. Mais pour qui se prenait-il par Morgane ? Quoiqu’elle ne devrait pas être étonnée au vu de sa réputation. « Me faire payer mes écarts ? Et tu vas faire quoi ? Les draguer avant moi pour en faire des conquêtes ? Je suis un homme, j'ai des besoins et des envies que je ne vais sûrement pas taire pour ton joli minois. La plupart des mariages sont imposés et les époux trompent leur femme, c'est connu. » Isis dévisageait ce jeune homme si emplit de suffisance et d’autodérision. Lorsqu’il évoqua les rumeurs de l’attirance de la blonde envers les filles, celle-ci ne pût s’empêcher de rougir, un peu mal à l’aise. Si lui-même était au courant, il était à parier que toute l’école l’était. Super… Formidable… Elle écoutait cependant, se demandant le pourquoi d’un tel comportement aussi agressif. Et voilà que l’Isis avenante et bonne poire était de retour malgré elle ! Elle lâcha une petite grimace en déclarant : « Ta vision de la vie est très triste », constata-t-elle sincèrement en mettant de côté sa colère à son encontre pour quelques instants « Mais je t’en pris, fais-toi plaisir Aidan. Trompe-moi si ça te chante finalement. Sois un de ces hommes si parfaits. Mets-toi dans le même moule de ton père. Apparemment tu ne sais rien faire d’autre de ta vie. Saute, baise. Comme tu veux », dit-elle avec un rictus. Isis n’était pas quelqu’un de méchant, mais si ce jeune homme s’avisait de lui faire du mal, elle saurait s’en souvenir. « De toute façon toi et moi savons pertinemment que nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre. Pas tant que tu arboreras cette image de bad boy blasé par la vie qui comble son désespoir en sautant sur tout ce qui bouge et qui rejette les autres de manière aussi cruelle… Alors qu’au fond je suis sûre que tu ne l’es pas », rajouta-t-elle en haussant les épaules. Peut-être devrait-elle devenir psychomage finalement ? « N'espère même pas te servir de moi pour remonter dans l'estime de ta famille, après tout : je suis sûr que tu feras une épouse exécrable. La pire même. » Isis secoua la tête, sur le cul. Comment osait-il cette espèce de… Elle réfréna toutefois sa hargne, sachant que ce n’est pas ce qui ferait avancer l’histoire. La Cayrel plongea son regard dans celui de son fiancé avant de dire : « Je serais une épouse exécrable ? Et c’est toi qui te permets de me dire ça en me balançant que tu me tromperas à la moindre occasion ? ». Elle se permit un léger ricanement semblable à celui qu’Aidan avait lâché quelques secondes plus tôt. Isis se rapprocha un peu plus de lui, histoire d’essayer le mettre un peu mal à l’aise… Même si s’était peine perdue avec ce gars-là, pensa-t-elle aussitôt. « Tu sais que si tu n’avais pas été là, je serais sûrement partie à l’autre bout du globe sitôt mes études terminées… Car tu vois j’ai d’autres aspirations dans la vie qu’à faire la boniche pour un crétin de sang-pur ». Elle agrandit un sourire de façade en lui proposant la chose suivante : « Tu ne me veux pas dans les pattes ? Okay. On va faire un pacte. Si on n’arrive pas à stopper ce foutu mariage, je veux que tu me reverses la totalité de la dote pour que je mette les voiles de ce foutus pays. Comme ça tout le monde est content. Toi tu peux aller foutre ta vie en l’air avec la première salope venue et moi je réalises mon rêve ». Après un instant d’hésitation elle ajouta tout de même : « Ou alors on s’en va tout les deux. Après tout, qu’est-ce qui nous retient ici ? ». Isis savait qu’elle ne supporterait pas un mari volage. Alors si ce mariage était couru à l’échec, elle était décidée à limiter la casse et se concentrer de nouveau sur son projet secret. Au diable sa famille ! A moins qu’Aidan ait la même envie de liberté qu’elle et ne se décide à la suivre ? Oula, voilà qu’elle se croyait dans un ses romans à l’eau-de-rose ! C’est d’Aidan qu’on parlait !